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GEORGES & JAKE
by COLIN EVANS

Georges-Carol

Carol et Georges à Cardiff
Honni soit qui mal y pense !

Carol and Georges in Cardiff
Honi soit qui mal y pense !

 

Articles et Photos © Colin Evans

Colin Evans died on November 11, 2005
Read copy of
obituary in The Guardian

Georges Brassens-Colin Evans-René Fallet
Georges Brassens, Colin Evans 
et René Fallet à Paris chez Georges

At Georges' place in Paris

Jake Thackray-Georges Brassens- Püppchen

Jake, Georges et Püppchen à Londres

In London

Jake Thackray-Georges Brassens

Georges était plutôt grand, mais alors Jake !

Georges was rather tall, but Jake !

 

NOTE
Persuadé que Colin Evans avait rédigé ces deux articles en anglais, puis les avaient traduits pour le magazine Les Amis de Georges, je lui avais demandé ce que j'imaginais être l'original pour ce site. Il m'a dit alors que ces textes avaient été écrits directement en français (ce qui confirme avec quelle aisance il maniait notre langue). Il a eu l'amabilité de se donner la peine de s'auto-traduire spécialement pour cette page.

Merci Colin pour cette page et pour tout.

Didier Agid, 19 janvier 2006.

NOTE
Thinking these two articles had been written in English and then translated for the magazine Les Amis de Georges, I asked him for what I  imagined being English original texts, to be included in this site. He then told me those texts had been written directly in French (which confirms how excellent was his French). He's been kind enough to take the trouble of a self- translation for this page.

Thank you Colin, for this page and for all you've done.

Didier Agid, January 19, 2006.

Brassens au Pays de Galles 

in Les Amis de Georges n°70, novembre-décembre 2002

 

Début septembre 1970, tout seul à Paris, je préparais la soutenance d'une grosse thèse. Je recevais de Cardiff, presque chaque

jour, des feuilles tapées que je corrigeais, renvoyais... Puis,

grève des postes - plus de feuilles, thèse en suspens. C'est à

ce moment-là, par peur du vide, que j'ai songé à un projet que je

mijotais depuis quelques années et que la thèse avait écarté - un

livre sur la chanson française que j'avais déjà enseignée à l'Uni-

versité de Cardiff. Par où commencer, ou plutôt, comme tou-

jours, comment me motiver ?


Choisissons, me suis-je dit, le plus grand et commençons par un

contact. Avec la désinvolture et la confiance de mes trente ans, je fais

mes recherches, trouve le numéro de Pierre Onténiente, lui explique

mon projet au téléphone alors qu'il rentrait justement de vacances. 

Il va en parler, dit-il, à Georges et me rappellera. Dès le lendemain, Pierre m'annonce que Georges veut bien rencontrer le jeune professeur anglais ; on pourra aller rue Santos-Dumont un
après-midi ; Pierre m'y conduira en voiture. La petite "Mini"

de Georges embarque à son bord : moi, Christine - une amie qui sera

l'ingénieur du son -, mon magnétophone, une longue liste de questions

soigneusement préparées, et un grand chien affectueux qui a nom

Kafka.

 

Georges vient à la porte nous saluer.L'effet du réel sur l'image médiatisée peut être extraordinaire : on connaît cette voix, cette tête, et pourtant l'homme à qui l'on serre la main n'est plus la vedette ; il existe maintenant dans une autre dimension, comme nous existons pour lui dans une autre dimension. On n'est plus un de ceux qui applaudissaient et qu'il ne voyait pas parce qu'il avait

arrangé les projecteurs justement pour éviter cela. Vous êtes deux

hommes ; il y a un abîme entre vous et il s'agit de construire un pont.

 


Pourquoi Georges a-t-il accepté ? Pierre m'a dit par la suite qu'il
recevait des centaines de requêtes identiques, de personnes bien plus méritantes - me semblait-il - que moi. Je crois qu'il faut voir là la curiosité humaine de Georges - observer un Anglais de près l'intéressait, l'amusait, l'intriguait (c'est ce qu'il a dit plus ou moins à Louis Nucera, voir Jacques Vassal Brassens ou la chanson d'abord, p.303)(1). Et puis, comme toujours, le hasard : il rentrait de vacances, il était disponible. Jamais un coup de téléphone n'abolira le hasard ; mais il peut parfois collaborer avec lui. Entre nous, ça a bien marché. J'ai commencé par quelques questions laborieuses mais les réponses sérieuses et réfléchies de Georges m'intéressaient et peu à

peu je laissai tomber mes notes et réagissai, essayant d'approfondir,

d'explorer. Il a abordé des sujets qu'il n'avait pas, semble-t-il, évoqués auparavant, notamment en ce qui concernait son désespoir à la Libération, et la perte de sa foi en l'Homme.

Trois heures plus tard nous nous séparâmes. On avait construit un

pont ensemble avec des mots, des voix et. c'était tout de suite l'aventure ! Il fut convenu qu'il viendrait me rendre visite au Pays de Galles, avec Pùppchen. "Pùppchen aimera ça, n'est-ce pas ?", a-t-il dit à Pierre, surpris. Je ne me rendis pas compte à quel point il était inouï que Georges, ce grand casanier, se lance ainsi dans un inconnu gallois.

 

Un mois plus tard je les retrouvai à  l'aéroport de Cardiff. Sur la route reliant l'aéroport à mon domicile, il remarque les maisons : "Bow-windows" fait-il, se souvenant soudain de ses cours d'anglais à Sète! On joua les touristes : du magnifique château fort normand de Caerphilly où Georges fut surtout frappé par de petits canards sur l'eau, aux rues de Cardiff où Georges se promenait
sans que personne ne le remarquât - ce qu'il n'avait pu faire depuis des années ! Il fit connaissance avec ma femme, mon fils, mes amis dont un grand violoniste classique, Freddy Wang. On a mangé, je crois, du gigot gallois et de la cuisine chinoise.

 
Puis ils sont repartis. Il a écrit deux lettres de remerciements, l'une à ma

femme, l'autre à moi. La lettre adressée à ma femme avait la couverture

de son premier disque d'adolescente : à seize ans, chez sa correspon-

dante française, à Vichy elle avait découvert Le Gorille et Hécatombe.

De retour à son lycée gallois, son nouveau vocabulaire avait un peu

choqué l'admirable femme qui était son professeur de français. Quant à

 ma lettre, elle contenait une page manuscrite, tirée d'un cahier - un

 poème avec le refrain Mon pote le poète.

 

Après ce premier séjour, Georges me  téléphonait assez souvent et on discutait comme discutent des copains.

Il nous envoyait des livres, sur Paris ou sur la langue.

Deux ans plus tard, l'Université de Cardiff avait construit un nouveau

théâtre et j'eus l'extravagante idée de demander à Georges de venir

chanter pour l'inaugurer. Il accepta !

Cette fois nous nous retrouvâmes à Heathrow. J'étais accompagné par

Jake Thackray auteur-compositeur-interprète assurant la première par-

tie. Jake est l'auteur de mer veilleuses traductions de Georges en

anglais    (notamment Brotber Gorilla). Comme il l'a dit plusieurs

fois en public depuis, pour lui, qui adorait Georges, cette expérience

relevait au pinacle ! Apprenant, à sa grande surprise, que Georges Bras-

sens venait en Angleterre, l'imprésario de Jake lui prête sa Rolls Royce

avec chauffeur, et c'est ainsi que Georges et Pùppchen découvrirent

Londres en Rolls, de nuit, émerveillés par tout, heureux comme des

enfants. Nous descendons dans un vieil hôtel traditionnel de Mayfair,

Brown's, et le soir, invités par Jake au célèbre club de Jazz Ronnie Scott's,

nous allons applaudir la vedette de la soirée : Stéphane Grappelli. Grap-

pelli, apprenant à l'entr'acte la présence de Georges dans la salle, croit

à une blague, vient voir quand même, puis tombe dans les bras de

Georges, les larmes aux yeux. 

 

Jake nous conduit le lendemain à Cardiff. Georges et Pùppchen dorment chez moi. Pierre Nicolas nous rejoindra un peu plus tard. Nous préparons le concert, choisissant un florilège de chansons (mon désir d'entendre Le grand Pan ne fut hélas pas exaucé !). Karl Francis, cinéaste gallois travaillant pour BBC2, me demande l'autorisation de filmer.Après une courte hésitation, j'accepte, à condition toutefois que les caméras restent invisibles. Le film fut

admirable.Ray Brown, créant l'année dernière une émission de radio pour la BBC sur la visite de Georges à Cardiff, a retrouvé ce film dans les archives.

M'interviewant pour son émission, Ray me demande de lui dire ce que

je ressentais au Sherman ce soir-là. Lui décrivant mon état de " stupé-

faction, de délire triomphal ", j'ajoutai : " J'étais ravi par tout ce qui se

passait; nous étions heureux ". 

 

 

 



Il restait une dernière entorse aux habitudes de Georges. Brassens exerça une pression sur Philips pour que sorte le disque de l'enregistrement fait ce soir-là. C'est grâce à cela que nous avons le seul disque live de Brassens, qui est aussi une sorte de "Best of" : "Brassens in Great Britain" (l'enregistrement de la première partie - Jake Thackray - du concert n'a jamais été publié).

 


(1) La modestie de Colin Evans lui fait omettre de rapporter que Brassens, d'après Vassal, aurait dit "...comme il est charmant, comme il est gentil, j'ai marché".

Brassens in Wales
  

 Early September 1970: I was alone in Paris finishing off a thesis. Almost every day I would get from Cardiff a parcel of typescript which I would correct and send back to the typist. Then there was a postal strike– no more pages, thesis in the air. That was when, from fear of having nothing to do, I thought about a project which I had been mulling over for years and which the thesis had put on the back burner. The idea was a book on the French chanson which I had already been teaching at Cardiff University.  But where to start and, as always, how to get the motivation? 

Let’s start, I told myself, at the top and by a personal contact. With the carefree confidence of the 30 year-old I looked things up, found the phone number of Pierre Onteniente, spoke to him on the phone –the day after he got back from holiday – and explained my project. He said he would speak to Georges and call me back. The next day he called and said yes, Georges would like to speak to the young English teacher; we could go rue Santos-Dumont in the afternoon; Pierre would drive me there. Which he did – into Georges’s Austin Mini he squeezed me, my taperecorder, a friend Christine who would do the recording, a long list of questions I’d prepered and a big affectionate dog called Kafka.

 
Georges came to the door to greet us. The effect which reality has on the media image is astonishing: you know the voice, the face - and yet the man whose hand you shake is no longer the star; he exists in another dimensiuon – as we exist in another dimension for him. We are no longer one of those who clap and cheer and whom he never sees because he arranges the lights deliberately at eye-level to prevent him seeing. There are two of you; there’s a gulf between you and you need to build a bridge.

 Why did Georges agree?  Pierre told me later that he got hundreds of similar requests – from people much more deserving (it seems to me) than I was. I think it was Georges’s human curiosity – to see an Englishman close-up interested him, amused him (This is more or less what he told Louis Nucera, see Jacques Vassal Brassens ou la chanson d'abord, p.303 ).  And then – as ever – sheer luck: he had just got back from a holiday, he was available: chance and my phone call worked together. And we hit it off.  I began by asking my rather heavy-handed questions but Georges’s serious and throughful answers interrested me and I began to abandon my notes and to react, to take him further, to explore with him. He told me things which he had not said, it seems, previously – particularly his despair at the time of the Liberation of Paris and the loss of his faith in mankind.

Three hours later we separated.  We had built a bridge with words and voices and over it we proceeded to skip. We agreed he and Pupchen would come to Wales to visit me. ‘Pupchen would like that wouldn’t she?’ he said to a surprised Pierre. I didn’t realise how amazing it was that Gerges, the great stay-at-home, should leap like this into a Welsh unknown.

A month later I met them at the airport in Cardiff.  On the way to my house he noticed the houses: ‘Bow windows’  he murmured, remembering suddenly his English lessons at Sète. We did tourist things – the great Norman castle at Caerphilly where Georges was struck mainly by a flotilla of ducks on the moat, the shopping streets of Cardiff where Georges walked without anyone recognizing him – something he had not done for years. He met my wife Carol and my son Nick, my friends, including a great classical violinist, Freddy Wang. We ate Welsh lamb I think and Chinese.

Then they left.He wrote two separate letters of thanks, one to Carol and one to me. Hers had the cover of the first record of his she had owned; at 16 staying in Vichy with her pen-friend she had discovered Le Gorille and Hecatombe. Back in her Welsh Grammar School her new vocabulary had shocked the admirable lady, Miss Rees, who taught her French.  Mine contained a manuscript page, torn from a notebook – a poem with the refrain ‘Mon pote le poète’.

After this stay he phoned me often and we would chat. He sent us books, about Paris or about language.

And then, two years later the University of Cardiff built a new theatre and I had the wild idea of asking Georges Brassens to come and do a concert to inaugurate it. He agreed.


This time we met at Heathrow. I was accompanied by Jake Thackray who was going to sing the first half.  Jake is the author of marvellous translations of Brassens.  As he said many times in public, for him it was the summit of his career.  Learning to his great surprise that Brassens who never left France was coming to Britain, Jake’s agent loaned him his Rolls and chauffeur, and it was in a Rolls, at night, that Georges and Pupchen discovered London for the first time in their lives, amazed at everything, happy as children We stayed in an old traditional hotel in Mayfair, Browns, and in the evening, Jake invited us to Ronnie Scott’s. The star that evening was Stéphane Grappelli. Grappelli learned in the interval that Georges was in the audience, and, thinking someone was pulling his leg, came out to see. He fell into Georges’s arms, tears in his eyes. They had known hard times together.

Jake drove us to Cardiff the next day.  Georges and Pupchen stayed with me. Pierre Nicolas, the bass-player came later.  We prepared the concert, choosing songs which are a sort of ‘Best of Brassens’ (something Georges never did). We had to choose the ones he still knew by heart. The BBC learned what was happening and Karl Francis, a Welsh film-maker working for BBC2, asked if he could film the concert. I said no at first, then Georges said why not and I said yes provided the cameras were discreet. Which they were and the film was excellent.  Ray Brown who made a radio programme last year on Georges’s visit was able to find it in the BBC archives.  Interviewing me for this programme Ray asked me what I felt at the Sherman that night and I replied that I was ‘in a state of amazement, of triumphant delight – delighted at everything that had happened; we were happy.’

Georges made one more exception to his rules. He convinced Philips to issue a record of his part of the concert. That is why we we have the only live recording of Brassens - Brassens in Great Britain 832.268  Now in a CD box set - 11, 836-2992 with a few extra songs.  Jake’s part of the concert has not been published.

(1) Being modest, Colin Evans skips Brassens' sentence, as noted by Vassal : "...as he's a charming person, as he's nice kind, I went for it" 

Jake Thackray
in Les Amis de Georges n°73, mai-juin 2003

 

Jake Thackray est mort le 24 décembre 2002, à l'âge de 64 ans. J'ai

raconté dans le numéro 70 des Amis de Georges comment en 1973 Jake a

organisé avec moi le voyage de Georges et de Pùppchen à Londres et

à Cardiff. Jake a chanté la première partie du concert de Cardiff - ses

propres chansons et une de ses traductions de Georges - Brother Gorilla.

Il a souvent répété par la suite, notamment au cours d'une interview don-

née à la BBC en 2002, que ce fut l'apogée de sa carrière.

Ses traductions sont de loin les meilleures en langue anglaise, parce que lui-même était un auteur-compositeur de génie. Ses chansons,

comme celles de Georges, sont ancrées dans un terroir à la fois réel

(le Yorkshire) et imaginaire (folklore et littérature). Les journaux ont parlé

de Noël Coward; mais il fallait plutôt dire que Jake fut le Brassens anglais -

même humanité, même humour, même manière de raconter, même

maîtrise de la langue et mêmes liber tés prises avec elle. Mais là où le

génie de Georges œuvrait dans une longue tradition ininterrompue, en

Angleterre Jake travaillait toujours à contre-courant.


Sa relation à Georges est curieuse et touchante. Georges lui a rendu visite,

à Monmouth, en 1973 après le concert (le numéro 70 montrait une

 photo, prise ce jour-là, où Jake a les yeux fermés comme s'il croyait

rêver). Il a par la suite été plusieurs fois rue Santos-Dumont ; Georges a

écouté ses chansons, appréciant la  musique, ne comprenant guère les

paroles. Lors d'une interview en 1971 Jake m'a dit, parlant de ses séjours

comme professeur d'anglais, en Algérie et plus tard à Lille, «J'étais ivre de

la langue française et puis je suis tombé amoureux de Georges Brassens que j'ai entendu, comme ça, à la radio». C'est là l'expérience de beaucoup d'étrangers francophiles. Mais Jake avait sa propre ambition, sa

propre langue, ses propres histoires, et il ajouta : «Ça m'a rendu fou. Je l'ai

tant écouté. Maintenant je devrais commencer à m'écouter moi-même

davantage».

 

 

 


Cela explique peut-être son ambivalance à l'égard de la traduction : je

n'en connais que trois qu'il a enregistrées, Le Gorille, Marinette, Je rejoin-

drai ma belle - devenues de merveilleuses chansons... anglaises. Mais

je suis sûr qu'il en a fait d'autres qu'il ne chantait pas de peur de ne plus

 entendre sa propre voix, un peu comme Virginia Woolf quand un jour

elle lut Proust et faillit désespérer. Lui qui traduisait si bien Georges me

déclara: «On ne peut pas l'exporter. Je crois qu'il est simplement là. Tout ce

qu'on peut faire c'est de se mettre sous le grand chêne et regarder tom-

ber les glands. Instinctivement, quand on aime quelqu'un on dit  Je

vais te présenter aux gens de chez  moi, je vais te faire passer. Je pense

que c'est une erreur. On ne peut jamais le faire connaître comme ça».

 

 

Heureusement Jake n'a pas été conséquent et il ajouta : «Mais je n'ai

pas pu m'empêcher». D'où le concert de Cardiff et ses traductions. Mais il y

aurait davantage à dire sur l'influence de Georges sur les autres composi-

teurs.

 

La cérémonie d'adieu eu lieu au Pays de Galles, dans la petite église

catholique de Monmouth à laquelle Jake était fidèle. Des amis étaient

venus de loin (dans le temps et dans l'espace) ; certains montèrent en

chaire, parlèrent de lui, émus, racontèrent des histoires (le prêtre en avait

une qui était spécialement drôle). A la fin on entendit la voix enregistrée

de Jake qui chantait The Last Will and Testament of Jake Thackray - pas une traduction mais certainement un hommage au Testament de Georges.

Il demande aux copains d'appeler d'abord le prêtre et puis d'aller cher-

cher à boire : «Dites une prière ou deux pour mon âme mais vite les gars,

vite : que la fête commence». Chanson qui, comme celle de Georges,

paraissait ironique, drôle, généreuse quand l'auteur, bien vivant, la chan-

tait en souriant sur la scène du Sherman. Elle l'était toujours d'ailleurs,

dans cette église que son cercueil venait de quitter (Viens pépère...'). En

l'écrivant il y a trente ans, quand le chêne était encore debout, Jake a

certainement dû penser que, l'heure venue, l'on ne manquerait certaine-

ment pas le coup de l'enregistrement.


Mais quelle émotion aujourd'hui à entendre cette voix, si guillerette, nous inviter à festoyer sans lui. Dieu, que le son du magnétophone est triste...

 

Et pourtant, invités non seulement par lui mais aussi par sa veuve Sheila

et ses trois fils, Tom, Bill, Sam, nous nous dirigeâmes à pied vers le pub

 auquel Jake était également fidèle.

 


Cheers, Jake, adieu et merci.

 

Jake Thackray
  

Jake Thackray died on Christmas Eve 2002, aged 64. I described in Number 70 how, in 1973, Jake organised with me the trip which Georges Brassens and Puppchen made to London and Cardiff. Jake sang the first half of the Cardiff concert – his own songs and one of his translations of Brassens Brother Gorilla. He often said (for example in an interview given to the BBC in 2002) that it was the high spot of his career.  His translations are easily the best in English because he himself was a songwriter of genius. His songs, like those of Georges, are rooted in a place which is both real (Yorkshire) and imaginary (folklore and literature). The press invoked Noel Coward but they should have said Jake was the English Brassens – the same humanity, the same humour, the same way of telling a story, the same mastery of language and the same liberties taken with words.  But while Georges’s genius operated within a long, uninterrupted tradition, Jake, in England, worked against the grain.

His relationship to Georges is strange and touching. Georges visited him, in Monmouth, in 1973 after the concert (Number 70 had a photo, I took that day in which Jake has his eyes closed as if he thought he was dreaming). Jake visited Georges at his home in the rue Santos-Dumont in Paris, on several occasions; Georges listened to Jake’s songs, enjoyed the music but did not understand much of the words. In a conversation with me in 1971 Jake described how, when he was an English teacher in Algeria and then in Lille, he was ‘drunk on the French language’ and how he ‘fell in love with Brassens’ when he happened to hear him on the radio.  Many francophiles will recognise this experience. But Jake had his own ambition, his own language, his own stories and he added: ‘It drove me crazy. I listened to him so much. Now I should start to listen to myself more’.

That explains perhaps, his ambivalence about translating Brassens. I only know three songs recorded by him: Le Gorille, Marinette, Je rejoindrai ma belle – all three are marvellous English songs. But I’m sure that he made other translations which he did not sing from fear of not hearing his own voice, rather like Virginia Woolfe when one day she discovered Proust and almost despaired. Jake who translated Brassens so well declared:  ‘You can’t export him. I think he’s just there. All you can do is stand under the great oak tree and watch the acorns fall. Instinctively when you love someone you say I’m going to take you home and show you to the folks; I’m going to take you there.  I think that’s a mistake. You can’t know him like that’.

Fortunately he wasn’t consistent and he added But I couldn’t stop myself. Hence the concert at Cardiff and the translations. But one could say a lot more about Georges’s influence on other songwriters.

The farewell ceremony took place in Wales, in the little Catholic Church of Monmouth to which Jake was faithful.  Friends had come from a long way off (in time and place) some of them stood up, spoke of him movingly, told stories (the priest had a particularly funny one). At the end we heard Jake’s recorded voice singing Last Will and Testament – not a translation but certainly homage to Georges’s Testament. ‘Say a prayer or two for my soul then get the booze boys’. It’s a song, like Georges’s, which sounded ironical, funny, generous when he sang it on the stage of the Sherman in Cardiff.  It still was in this church from which his coffin had just departed. Writing it thirty years ago Jake must have thought that someone would have the idea of the recording.

 

But it was almost unbearable to hear that cheerful, lugubrious voice inviting us to drink without him.

And yet, invited by him but also by his widow Sheila and his three sons, Tom, Bill, Sam, we made our way up the road to the pub to which Jake was also faithful.

 

Cheers Jake. Goodbye and thank you.